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Suite de Fidèle au poste

Prison de Donaldville. Soirée du 31 décembre 1955

J'ai été plus dur que les gros durs, plus malin que les petits malins, et j'ai réussi malhonnêtement !

Graciécarnet

Gracié Rapetou tire à son tour sa révérence...

La devise du vétéran de la famille Rapetou était affichée fièrement, crayonnée d'un trait convaincu sur l'un des murs de la cellule qui était devenue depuis déjà plusieurs années la résidence officielle des incorrigibles bandits. Sur ce même mur se trouvaient plusieurs photos encadrées, rappelant les moments de gloire de la famille, leurs plus gros coups, notamment lorsque les six frères et le grand-père avaient à de multiples reprises tenté de voler la fortune du multi-milliardaire Balthazar Picsou, avec une persévérance qui force l'admiration.

Ces moments étaient désormais derrière eux.
Balthazar Picsou n'était plus depuis la nuit de Noël. C'était depuis cette cellule que la famille Rapetou avait appris la nouvelle de son assassinat, alors même qu'elle était en train de griffonner vaguement sur le sol miteux un énième plan pour voler sa fortune une fois qu'ils seraient sortis. Dans un inexplicable élan de tristesse et de compassion, les frères avaient cessé leurs manigances et avaient commencé à parler de moins en moins souvent, sidérés par la disparition de l'homme qui symbolisait le but de leur vie : devenir riches. Sauf qu'à la différence de Picsou, ils avaient décidé de ne pas s'embarrasser d'une honnêteté bien trop contrariante et épuisante pour parvenir à ce but. Mais en fait, souhaitaient-ils réellement devenir riches ? N'était-ce pas plutôt la recherche permanente d'adrénaline qui les avaient motivés à mener la même vie criminelle que toutes les générations précédentes de la famille Rapetou, ces mêmes générations dont le dernier représentant, Gracié Rapetou, venait de faire appeler Donald Duck et ses neveux ?

C'était toutes ces questions que se posait Donald lorsqu'il rentra dans la cellule, dans un mélange d'angoisse et d'interrogation, avec Riri, Fifi et Loulou. Il avait réussi à convaincre Grand-mère Donald de les laisser venir voir ce que demandait Gracié Rapetou, à la condition expresse de revenir à temps pour le réveillon du Nouvel An dans sa ferme, où toute la famille se réfugiait depuis que les médias avaient appris la nouvelle de la mort de l'homme le plus riche du monde, son propre oncle. Après avoir observé ces photographies, le regard du jeune canard se posa sur le lit au fond de la petite cellule. Alors que les lits de la prison étaient en général assez négligés et désordonnés, celui-ci était tout nettoyé et avait l'air très confortable. En réalité, la seule chose qui justifiait la bonne tenue de ce lit par le personnel de la prison était le fait que son occupant était mourant. Gracié Rapetou était gravement malade et les médecins étaient arrivés à la conclusion qu'il ne survivrait pas à cet énième séjour en prison. Donald, à qui le directeur de la prison venait d'apprendre cette nouvelle, était très mal à l'aise : que pouvait bien leur dire Gracié Rapetou ?

« Oh. Vous êtes venus. »
Le jeune canard observa le vieux bandit. Il se vautrait dans ses couvertures, épuisé, maussade, visiblement résigné. Physiquement, il était complètement décadent et ne semblait plus du tout prendre soin de lui : cheveux broussailleux, barbe plus longue qu'à l'habitude, … Apparemment, il n'estimait plus utile de prendre soin de lui.
« -Bonsoir, Gracié, commença timidement Riri.
-Salut les canards. J'ai bien cru que j'allais mourir sans pouvoir vous voir. »

Gracié Rapetou 13

Il venait d'évoquer sa mort prochaine avec une telle franchise que les trois adolescents ne purent s'empêcher d'avoir un mouvement de répulsion. Donald, conscient de son devoir de protecteur, s'avança d'un pas peu assuré :
« -Nous avons réussi à nous libérer, mais pas pour très longtemps...
-Oh, je n'en ai plus pour très longtemps, ne vous en faites pas.
-Oui, euh..., continua le canard en tentant d'ignorer le tremblement discret de ses neveux. Que nous vouliez-vous donc ? »
Le doyen des Rapetou essaya péniblement de se mettre dans une position un peu plus digne avec l'aide de sa descendance, qui restait silencieuse.
« -J'ai appris la mort de votre oncle il y a quelques jours. C'est une bien triste nouvelle. Oui, insista-t-il sous le regard étonné des canards, j'ai toujours eu une grande estime pour lui. De toute ma longue carrière dans le crime, je n'avais jamais eu l'honneur d'affronter un adversaire aussi coriace.
-Mer... Merci, balbutia Loulou.
-C'est tout naturel, répondit sobrement Gracié avant de tousser violemment pendant plusieurs dizaines de secondes sous le regard peiné des frères Rapetou.
-Et, euh, c'est tout ce que je vous vouliez nous dire, Gracié ? Nous pouvons donc repartir ?
-Bien sûr que non, Donald ! Si je n'avais eu que ça à vous dire, je vous aurais envoyé une carte de condoléances, pouffa le vieil homme dans un ricanement rauque.
-Donc, que vouliez-vous nous dire de plus, Gracié ? »

Le bandit regarda d'un air mi-goguenard mi-bienveillant les quatre neveux de son défunt ennemi. Il se concentra, réussit cette fois à bel et bien se redresser sur son lit et déclara d'une voix qu'il s'efforçait de rendre fière :
« Comme je l'ai dit, votre oncle a été un grand ennemi. Le plus grand ennemi que j'ai jamais rencontré. C'est un miracle qu'un homme aussi riche que lui ait conservé sa fibre aventureuse, sans quoi il serait devenu un homme d'affaires ventripotent et fumant le cigare sur un canapé luxueux... comme tant d'autres. »
Donald ne voyait toujours pas où il voulait en venir. A l'expression de ses neveux, ceux-ci n'en menaient pas plus large.
« -Il a été un si grand adversaire qu'il a la réputation de nous avoir toujours vaincu. Nous, la famille Rapetou.
-Réputation justifiée, intervint Fifi.
-Non. Nous l'avons vaincu une fois.
-Ah bon ?, s'exclama Donald, très surpris.
-Il ne vous en a pas parlé, hein ?, ricana Gracié. Il ne devait pas en être très fier. Nous avons réussi récemment à lui voler une partie négligeable de sa fortune. Mais une somme négligeable pour Balthazar Picsou, ça ne l'est absolument pas pour des gens normaux. »

Gracié Rapetou

Le doyen des Rapetou a une étrange histoire à raconter...

Tout à coup très intéressés, les canards voulurent en savoir plus.
« -Miss Tick a accepté de nous rendre un petit service en échange du sou fétiche... que nous n'avons pas réussi à voler, soupira Gracié. Par contre, son sortilège pour déjouer les systèmes de surveillance nous a permis de voler à votre oncle plusieurs millions de dollars en petites pièces, de nuit, que nous avons, grâce à un autre sortilège de Miss Tick, « téléportés » ailleurs. Hélas, il s'est réveillé pile au mauvais moment et a surgi dans son coffre en chemise de nuit, très énervé, avec une carabine. Nous avons fui sans l'argent.
-Donc il vous a vaincu, triompha Riri.
-Non. Nous avons réussi à faire téléporter l'argent, donc il l'a perdu. Mais nous ne savons pas où.
-Mais, c'est vous qui l'avez téléporté...
-En fait, nous avons lancé le sortilège, mais sa venue brusque nous a empêché de faire ce que Miss Tick nous avait demandé : penser très fort à notre repaire pour que l'argent y soit téléporté. D'après Miss Tick, c'est lui qui l'a téléporté involontairement, en pensant très fortement à un endroit avant même que nous ayons le temps de le faire. Mais nous ne savons pas où, car nous n'étions pas dans ses pensées.
-C'est faible, comme victoire, commenta Donald.
-C'est mieux que rien. »

Le vieil homme sembla tout à coup perdre un peu de ses forces : il retomba brusquement dans ses couvertures et sa respiration devint plus haletante, pénible. Ses petits-fils se précipitèrent autour de lui mais il agita sa main d'un geste qui se voulait rassurant pour que ceux-ci ne lui sautent pas dessus. Gracié déclara alors :
« -Voilà. Je voulais juste vous donner cette information. J'ai estimé qu'après la mort de votre oncle, il était légitime que vous soyez au courant de notre exploit d'il y a quelques semaines. Vu que nous n'avons aucune idée de l'endroit où Picsou avait envoyé l'argent, il nous est totalement impossible de le retrouver, mais peut-être que vous, vous aurez une idée.
-C'est très gentil à vous, Gracié..., balbutia Donald. Si nous nous attendions...
-C'est une manière de nous quitter sans rancune, assura le mourant d'un ton faussement jovial. Sur ce, je vous libère...
-Êtes-vous sûr que nous ne pouvons rien faire pour vous ?, compatit Loulou.
-Non... Il était temps que je m'en aille, de toute façon... »

Gracié Rapetou 7bis

Bien mal en point, le vieux brigand...

L'ambiance dans la cellule devint tout à fait sinistre. Les Duck ne savaient pas trop où se mettre, et les six Rapetou commencèrent, toujours aussi silencieux, à entourer le lit de leur ancien.
« -J'ai été ravi de vous affronter à de si nombreuses reprises, les neveux. Tous les quatre, vous êtes clairement les dignes successeurs de Picsou. Si vous avez peur de vous ennuyer, ne vous inquiétez pas : je ne doute pas que les petits chercheront à vous prendre votre héritage, ria Gracié entre deux toux.
-La lecture du testament n'a pas encore eu lieu, rectifia Fifi. Nous ne savons pas encore qui héritera de la fortune d'onc' Picsou.
-Ah ? Boh, cela ne fait aucun doute qu'il s'agira de vous. Ou alors c'est que vous êtes de très bons aventuriers mais des gestionnaires calamiteux, hé hé hé hé... »
Ce rire fut à son tour l'occasion d'une puissante toux que rien ne semblait pouvoir arrêter. Les jeunes Rapetou étaient de plus en plus inquiets. Gracié s'effondra tout à fait dans son lit et murmura, dans un sourire crispé :
« Bien, les Duck... J'aimerais rester un peu seul avec mes petits avant... le grand saut... »

Donald, Riri, Fifi et Loulou sortirent lentement de la cellule tandis qu'un docteur et un gardien entraient. Lorsque la porte se referma, Gracié Rapetou était toujours bien vivant mais avait les yeux dans le vide, ses forces le quittaient peu à peu... Moins d'une demi-heure plus tard, il avait rejoint Balthazar Picsou au paradis des aventuriers.

Les quatre canards marchèrent d'un pas lourd en sortant de la prison, sans savoir quoi dire. C'était la troisième fois en une semaine qu'une figure familière les quittait. Même si, bien sûr, ni la mort de Gripsou ni celle de Gracié Rapetou n'avaient le dixième de l'importance que la mort de Picsou en avait à leurs yeux, ils sentaient que cette image d'un Gracié usé, fatigué, décadent, les hanterait longtemps.
« -C'est un peu la fin d'une époque, vous ne trouvez pas ?, marmonna Riri. Tous ces gens qui ont vécu d'innombrables aventures depuis la fin du XIXème siècle et qui meurent, tout à coup...
-En effet, c'est la fin d'une époque, approuva Fifi. Les grands héros des temps anciens meurent les uns après les autres.
-Le monde va être tellement ennuyeux, sans eux..., abonda Loulou.
-Il y a une solution pour remédier à cela, les enfants », les rassura Donald.

Riri Fifi Loulou et leur manuel

Une nouvelle génération d'aventuriers ?

Les adolescents regardèrent leur oncle avec attention. Qu'allait-il dire ?
« -L'ancienne génération d'aventuriers est en train de s'éteindre, il faut qu'une nouvelle arrive. Et cette nouvelle, c'est nous !
-Je ne sais pas si j'ai encore envie de vivre des aventures, onc' Donald, soupira Fifi. Sans l'onc' Picsou, ce ne sera plus jamais pareil...
-Nous verrons cela après !, s'exclama Riri. En attendant, si on allait déguster la bûche de fin d'année que Grand-mère nous a préparé ? »

Revigorés à cette pensée, les Duck accélérèrent le pas vers la 313 qui les attendaient. Ils ne regrettaient pas d'être venus : après tout, entendre Gracié Rapetou faire les louanges de Balthazar Picsou valait son pesant d'or, comme aurait dit l'intéressé. Il fallait à présent que la vie continue, et rien de mieux pour cela qu'un bon repas préparé par la plus bienveillante des grands-mères.

A suivre dans Héritage à problèmes

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